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a little high, a little low (romita)

Romeo Siegel
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Dim 5 Nov - 13:02
Romeo Siegel


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sends shivers down my spine, body's aching all the time

Matinée laborieuse, le temps se fait long dans le petit amphithéâtre des cours de culture latine. Ses mots s'entre-mêlent, ses soupirs se multiplient sous les protestations silencieuses des élèves, les mains se lèvent car certains termes n'ont rien à faire là, les phrases naissent et ne connaissent pas de points – des listes, des énumérations de faits dont s'échappent le sens. Romeo n'en a qu'un seul en tête, et c'est Lolita. Un prénom simplement balancé sur le départ, jeté comme une révélation romanesque censée chambouler entièrement les scènes précédentes. Elle n'est pas Nausicaa, pas simplement une petite princesse aidant un voyageur, mais elle est aussi la tendrement cruelle nymphe du roman sur son étagère. On s'interroge sur la fatalité d'un prénom, sur le physique en écho, sur les manières qui vivent à travers sur les six lettres d'une héroïne romanesque. Il y a le rire, il y a la bouche – enfin il comprend. Il espère le destin pas aussi moqueur et funeste que ceux qui ont guetté les millions de Lolitas de la terre, et tout autant les hommes qui se sont aventurés à les aimer. La lecture se termine en avance, les affaires sont ramassées sans plus s'imposer de tristes affaires et d'attente – le vélo est de nouveau enfourché. Le paysage qui se dessine sous ses yeux a perdu l'attrait du matin, les petits chemins de terre ne crient plus l'enfance, les instants de merveille qu'il se plait à revivre ont la saveur amère de l'attente. Enée lui-même est posé sur la table de son petit appartement de ville avec mollesse, sans une attention particulière pour la couverture cornée par les années d'amour et de mauvais traitements.

Roméo compte les heures, se dit que deux c'est déjà bien trop. Même avec les cheveux arrangés, même avec le pantalon changé, même avec un énième tour de toute sa personne, le cœur est lourd, le temps ronge. Pas encore, il ne remet en question ses attentes et ses rêves, ne sait pas encore qu'un café pour remercier ne demande pas tant de précisions superficielles que les apprêts. Peut être ne veut-il pas simplement y penser, se complaire dans une contradiction souffrant des excès de moral de certains. N'y pensons pas, que hurle le cœur ! Soyons simplement là un peu avant l'heure, à l'attendre, dans le petit café une boisson fumante, doucement. Prenons un air détaché, quelques copies sous les yeux pour faire croire que tout va bien, que y a pas le corps tout entier qui se sent comme après une course contre la vie.

C'est ce qu'il fait, après une heure à tuer l'attente dans le modeste appartement simplement décoré de livres qui ne prennent jamais la poussière. Le stylo rouge est entre ses doigts, mais encore sa tête est ailleurs, se concentre sur un sourire, sur l'expression que Lolita a dans ses souvenirs. Le café crème reste intouché, car il l'imagine déjà :

Son timbre de voix,
Petite imprudente,
Autour de la tasse ses doigts,
Les lèvres qui se découvrent sur la jeunesse,
Et lui qui la regarde, encore et encore.
Lolita Gorsky
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Dim 5 Nov - 23:59
Lolita Gorsky

sends shivers down my spine, body's aching all the time

Le souffle langoureux qu’elle émet en posant son postérieur sur l’une des chaises de la classe. La pochette épaisse qu’elle sort de son sac, évente son visage comme on pourrait le faire d’une journée d’été ; ce n’est que le long souffle qui expire avec longueur. Comme un acte physique, elle pourrait presque en chercher sa ventoline en cas de panique. C’est le cours de 3h qu’elle n’écoute pas, les notes qui ne se prennent pas mécaniquement ; c’est le vélo en tête, la douceur des feuilles mortes, sa main. Sa forte main, tendre, élégante, sa main qui l’emmène dans les rêves les plus infinis. Sur une autre planète, dans un autre siècle, elle vogue ailleurs sur le navire des pensées intimes sans écouter ne serait-ce qu’un quart du cours. Le miracle de l’étudiante trop sérieuse, le désenchantement de son clavier habitué à recevoir ses cliquetis mécaniques ; c’est la bouffée d’ivresse, de chaleur qui embaume son cœur d’une odeur inconnue, jamais ressentie. C’est les heures qu’elle voit passer dans la panique de ne pas avoir le temps. L’ordinateur qu’elle referme, la chaise qu’elle repousse, les toilettes qu’elle va chercher, son propre reflet qu’elle aperçoit. C’est celui d’une jeune fille aux joues trop rouges, les pommettes trop rondes qui la font complexer, les cheveux sur les épaules en bataille. C’est la tenue d’un dimanche dans un lit. C’est l’air d’un réveil, d’une naissance. La beauté qu’elle cherche un instant à voir avant de passer l’eau clair sur son visage. C’est la montre qu’elle observe sonner les onze heures. C’est le cœur qui bat alors que ses doigts clapotent doucement sur l’écran du téléphone. C’est l’écriture télégraphique qui sonne :

Hey ! J’ai un empêchement, je ne peux pas assister au cours magistral de deux heures, tu pourrais le prendre pour moi si t’y vas ? Ça serait grave cool, merci !

C’est la requête qu’elle sait accepter d’avance, simple besoin de gagner du temps. C’est les escaliers qu’elle dévale, le trajet qu’elle fait d’une rapidité folle ; c’est la folie de ses jambes qui courent près du van. Elle voit au loin sa mère en combinaison, elle voit son père allongé dans un transat en plein mois d’automne. C’est l’eau chaude qu’elle allume, les vêtements qu’elle retire, l’eau crépitant sur sa peau à vif alors que son souffle se calme sous le liquide. C’est le sourire qu’elle émet quand sa main glisse sur sa peau, son cou, son sein, son cœur. Petit savon qu’elle garde au creux de ses mains comme on protègerait un enfant. C’est l’odeur de la cannelle et de la pomme qui parcourt sa peau alors qu’elle farfouille dans le placard une tenue. Elle ne sait plus si elle doit oser, si elle doit être naturelle ; elle en oublie de respirer, de penser comme elle le ferait naturellement. Elle touche les tissus, les jeans, les cuirs, les cotons, mais rien n’est mieux, plus doux, plus délicat que la sensation de sa main dans la sienne. La jupe en jean de sa mère qui attire son regard, le vieux t.shirt qu’elle vole, le chignon qu’elle se fait ; son reflet dans la glace, la panique dans ses mains, les tremblements qui la remplissent de spasmes. « Je vais boire un café avec un professeur. » Sa propre voix qui tonne naturellement comme on pourrait entendre le tonnerre ; elle réalise enfin. Elle sent pourtant ses pieds s’enfoncer dans ses vieilles converses devenus grises à la place de blanche, elle reconnait la fraîcheur de l’automne sur ses cuisses alors qu’elle s’arme d’une des vestes de son père – c’est la manie du vol vestimentaire qui lui vaut si bien son allure antique, perdue dans le temps – et la sensation d’attente la ronge à l’arrêt de bus du coin. L’impatience qui joue sur ses doigts, le tapotement de l’index, du majeur, de l’annulaire et de l’auriculaire dansant ensemble dans un tempo particulier qui s’inverse une fois le premier allé. C’est alors de nouveau l’auriculaire, puis l’annulaire, le majeur et enfin l’index qui ponctue cette danse intempestive. Le regard sur la montre à son poignet, l’heure de son téléphone, les musiques dans ses oreilles qu’elle fait vaciller sans être sûre de vouloir écouter une réelle chose. L’arrêt qui sonne, la descente du bus, le panneau du café sous ses yeux. Elle sent l’eau contre ses mollets gelés, ricochés du bus qui laisse traîner ses roues dans les flaques. Respiration expirante, le souffle toujours aussi long, les babines qu’elle ne cesse de lécher, c’est d’un élan mécanique qu’elle pousse la porte vitrée, laissant entendre le petit hoché pour alerter sa présence. Petit mouvement de tête poli, muni d’un sourire au barman, c’est la silhouette parmi les silhouettes qu’elle tente de trouver l’homme. Des tables peu remplis : il y a un groupe d’adolescent faisant probablement l’école buissonnière à en entendre leurs dires, il y a ce vieux pêcheur qui ne cesse de lire son journal, tournant une à une les pages avec un mécontentement. Il y a ce doux couple, le ventre arrondi de la femme que l’autre femme caresse, et la mélancolie de cet homme à la bière, étalé sur le bar, roulant ses doigts sur son téléphone. Et puis, il y a cette table, qu’on ne verrait pas normalement, qu’on pourrait croire presque inconnue. Un élément de déco ? Possible. Et puis il y a cet homme de dos, son blouson jaune ressemblant fortement à un clip de musique français, l’odeur de la mer et de la cigarette. Le pas qu’elle fait pour avancer, la visibilité qui devient plus net. Les cheveux un peu trop long dans le dos, éparse et sauvage. Le col de son pull qui laisse apercevoir son cou fin et pourtant robuste. Les bras de dos qui dessinent un biceps ferme – se l’imagine-t-elle ferme ? – alors qu’elle sent un à un ses pas avancer dans un ralenti pesant et languissant. C’est les mains croisés qu’elle observe, sa main. Le cœur qui implose alors qu’elle entend son pouls revenir avec propulsion, la respiration beaucoup trop forte, beaucoup trop pesante. Les pieds qu’elle joint pour coller ses deux jambes alors que sa main s’accroche à sa anse comme à une nouvelle bouée de sauvetage. C’est Le Radeau De La Méduse mental, La Grande Vague de Kanagawa interne. « Salut ! Enfin, re-bonjour. » L’attention qu’elle attire doucement, signalant sa présence d’un petit signe de la main, son corps tournant le dos à l’homme un instant avant de s’asseoir. Le petit sac qu’elle pose au sol, le blouson qu’elle retire, les gestes de la fuite. « J’ai de la chance que ça soit vous ; j’aurais eu l’air très intelligente si c’était une autre personne. » C’est la blague de mauvais gout, la diversion alors qu’une main balaye une mèche sur son visage, l’autre poignet contre la table. Le regard qu’elle pose enfin sur lui et – elle sait, la vilaine – qui la perd. Les yeux qu’elle ne tente pas de regarder trop longtemps, le si doux visage qu’elle se sent incapable de dévisager ; ce serait trop mauvais, pour elle, pour lui. Elle nie, elle fuit, elle ne respire plus ; c’est encore et de nouveau l’apnée des sentiments qu’elle apprécie tant ressentir.
Romeo Siegel
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Lun 6 Nov - 18:18
Romeo Siegel


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Les hasards sont nombreux, le destin joue encore mille fois avec les sensations. Pendant son attente, pendant que Romeo est penché sur les copies stylographe rouge en main, la porte s'ouvrant et tintant son carillon l'ont fait espérer. Il s'est retourné les premières fois, sous ses yeux se dessinant des silhouettes qui n'ont rien à voir avec celles de la tendre enfant, du couple heureux au mélancolique pilier de bar sorti quelques secondes pour se renflouer en cigarettes. Pas elle, pas encore – il n'est pas l'heure, il le sait, mais une impression d'imminence ne le quitte pas. Ses perceptions finiront par le lasser à l'énième mauvaise personne, si bien qu'il décide de se plonger entièrement sur les copies. Les noms défilent sous ses yeux, chacun a ses lettres différentes, la graphie changeante d'une main lourde à une hésitante, mais toutes forment un unique prénom. Toute consonne semble vouée à être un L, ou bien un T, quand les voyelles ont le choix entre un A, un I ou la boucle d'un O. Bientôt, à mesure que sa lecture des réponses plus au moins bancales d'étudiants presque sérieux, ce sont tous les mots qui perdent de leur sens, oublient leur signification pour former ces divines lettres. Et ce sont maintenant des copies entières graphiant Lolita, avec un cœur sur le dessus du I, parfois. C'est une obsession lente et douloureuse qui le fait se frotter les yeux plusieurs fois. Mais le prénom ne se résout pas à partir, pas encore. Le stylo est posé sur la table, les copies sont fixées dans un silence tel que le sont ceux témoins d'un miracle. Est-ce là une œuvre divine, ou la main du diable ? Petite nymphe aux deux ailes ouvragées, ou aux cornes superbes ? A ce stade, il lui est impossible départager – on se demande si c'est même nécessaire. Les mots, les pensées le torturent encore longtemps avant que la délivrance ne survienne. Sans qu'il ne s'y attente, Lolita s'efface des pages et laisse Homère reprendre ses droits, Virgile ses quelques lignes en une réponse maladroite à une question un peu méchante. La porte se pousse à nouveau – cette fois-ci le professeur ne se retourne pas. Il n'en a pas besoin, certain qu'après avoir passé la dernière heure emprunté par les mirages, il voit clairement. C'est évident que c'est elle, quand bien même il lui tourne le dos. Les petits pas qu'il perçoit sur le sol carrelé du café sont évidents les bons. C'est fou comme il jure pouvoir la sentir se rapprocher ! Qui est la proie, qui est le chasseur ? Est-ce elle la panthère indiscrète, et lui le tendre agneau attendant sagement son heure ? Où sont-ils simplement du même bois, agneau et agneau, ou panthère et panthère ? Sa réflexion ne connaîtra pas plus de profondeur, car c'est une jambe qui passe, douce comme un temps oublié. Tentante, et dont il ne préfère pas admettre la totalité de sa beauté. Une cuisse parcourue, sur lesquelles se posent ses iris et il aimerait tout autant que ce soient ses lippes : ce serait un délice, une merveille, et le goût de cette simple peau le rendrait fou rien qu'à l'imaginer. La contemplation s'arrête quand il y a de nouveau sa voix, la petite espiègle. C'est son visage qu'il regarde pendant quelques secondes, avant de simplement désigner la place en face de lui. Pas un bonjour qu'il ose, une simple torsion de bouche qui donne un sourire mal fait et timide. Les mains sont fébriles sur les copies qu'il rassemble, sur les mauvaises notes qui s'entassent tristement. Mais même cette simple tâche lui est impossible, car la veste tombe, dévoile des épaules presque rondes, presque enfantines. Des bras tendres, il silhouette qui l'est complètement. Le physique de l'agneau – jolie Lolita qui s'en tient à sa définition. Il devrait lui être défendu de regarder, de se délecter d'une jeunesse tout juste éclose, car tout ça a des airs de pécher. Mais avec son humour un peu bête, il en a bien rien à faire. Ils ont trop en commun.« Généralement on ne me manque pas avec ça. » Romeo désigne simplement son ciré jaune de petit marin, d'un geste un peu con, avec encore une expression qui manque d'élégance. Il se sent comme revenu à quatorze ans dans un drôle de souvenir qu'il est tout autant grisant et douloureux de se replonger – pourtant il n'a aucun souvenir de ce genre. Peut être qu'il vit simplement au travers des livres, peut être que cette passion née de rien n'a d'autre sens qu'un cœur littéraire capricieux et stupide. C'est bien cela qu'il est plus facile de croire, et à cela il mène les caprices du destin qu'il n'a jamais cessé de croire. La nymphe est enfin assise, avec ses jolis cheveux. Assise avec son petit air qu'il n'arriverait jamais à définir, avec sa chevelure qui mérite toutes les attentions du monde – les mèches qu'il a manqué de saisir quelques heures plus tôt. Brillante, sauvage. « Je prends toujours un café crème. » Des aveux qui ne servent à rien, des aveux qu'il est inutile de faire. Mais ses mains tremblent un peu, et peut être bien que le prétexte même de ce rendez-vous s'effrite. Peut être qu'il est encore temps de ce rendre compte qu'un merci aurait pu suffire, que tout cet état d'esprit n'est pas nécessaire. « J'y viens depuis que j'ai seize ans. On séchait souvent le vendredi après-midi. » Toujours cette timide ambiance, ses mains qui toujours sont posées sur les copies. Ses yeux qui se baladent infiniment sur elle. Puis se détournent, par politesse. « Ou dès qu'on avait maths. » Confession faite à une scientifique. Romeo il livre des morceaux de sa vie, mais pas son prénom. Alors qu'il connaît le sien. Ses mains tremblent encore.
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Lun 6 Nov - 23:14
Lolita Gorsky

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L’être humain : être vivant de l’espèce humaine. Il se différencie des autres espèces par son mode de déplacement bipède, mais également par son langage articulé, ses mains préhensiles et son intelligence développée. Définition apprise, connu sur le bout de la langue qu’elle aime tant réciter quand son esprit d’analyse ne comprend plus l’être qui se trouve en face d’elle. L’homme qu’elle tente de fuir du regard, les yeux qui se baissent pour remonter, puis redescendre. « Généralement on ne me manque pas avec ça. » Le geste maladroit de l’homme, le ciré qu’elle aperçoit dans son dos. Dos qu’elle regarde avec trop d’attention, longeant les côtes puis le buste. Le regard qui divague, observe le cou, le menton et les détails ; le regard qu’elle trouve, les belles iris qu’elle sent posée sur les siennes. C’est la rougeur qui vient chatouiller ses joues alors qu’elle hoche doucement de la tête. « Je prends toujours un café crème. » Les lèvres, fines lippes, qu’elle étire à la manière dont on peut creuser un sourire. La tendre gêne et le fin sourire alors qu’elle vient fixer la tasse vide déjà servi. Une information qui fuse dans son cerveau, alors qu’elle répète d’une pensée mécanique le café crème qu’elle peut boire, les nombreux cafés qu’elle avale. Et celui du café crème avec sa mousse aussi alléchante que dans un capuccino ; l’information dont elle voudrait rester indifférente et qui pourtant, marque son esprit de petit pic. « J'y viens depuis que j'ai seize ans. On séchait souvent le vendredi après-midi. » La surprise, le regard qui se redresse, l’image de ce professeur faisant l’école buissonnière. Ses propres doigts qu’elle sentait recommencer à prendre le rythme du tapage intempestif qui se calme alors qu’elle l’écoute avec la plus grande attention. « Ou dès qu'on avait maths. » C’est le regard qu’il soulève, le point qu’il touche, les yeux du génie qui scintillent sous le mot magique. Les bras qu’elle croise d’un air faussement vexé – que la vilaine Lolita aime jouer les morveuses – qu’elle baisse sa tête. « Je ne pensais pas qu’un professeur, aussi sérieux que vous, séchait. » La petite malice qui glisse sur ses lippes, les jambes qui tressaillent sous la table et qu’elle sent bouger, les regards qu’elle glisse. « Ca expliquerait la culture latine… » C’est le combat qu’elle éprend avec amusement, petit réveil avec le pic amer. C’est le corps qu’elle sent respirer, inhalée sans le moindre problème l’air du café. Le serveur en approche, la voix qu’elle pose. « Un capuccino et … un café crème ? » Regard interrogateur, détail qu’elle a retenu les quelques secondes auparavant. C’est presque une habitude dans sa voix quand la commande se passe, comme si " un capuccino et un café crème " était une formule apprise par cœur, qu’elle retenait avec bonheur. Les yeux qui se baissent sur ses mains – ne peut-elle pas retenir ses pensées ? – c’est le rouge à l’envers qu’elle aperçoit, les corrections tachés de vermillon. « Pour quelqu’un qui séchait, vous m’avez l’air coriace comme professeur. » Le naturel sur ses lèvres quand elle rigole de nouveau, sourire mesquin de la nymphette qui ne devine pas le pouvoir qu’elle peut avoir sur le pauvre Humbert Humbert, pleurant les larmes de son corps. Les mains qu’elle fait glisser sur la table en riant à la pensée de sa jeunesse – quel âge peut-il avoir ? – alors que ses yeux ne peuvent s’empêcher de joueur avec le diable. D’une peur fondamentale du visse, la fille d’Artemis s’est vu faire tomber le masque de nymphette imparfaite. Malédiction qu’elle ne connaît pas, sourire délicat, jeu d’une fuite, d’une sensation, d’un sourire. « Que fait donc Monsieur Professeur de Lettre Sécheur de cours de math à l’université ? »
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Mar 7 Nov - 10:37
Romeo Siegel


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Romeo, du haut de son état chamboulé, n'a d'autres mots que des banalités, qu'une anecdote qui n'a pas vraiment de sens et qui ne souffre ni d'introduction ni de conclusion. Des bribes de jeunesse, peut être bien parce qu'il a peur de se sentir vieux à côté d'elle. Ou peut être que c'est elle qui le trouve vieux : derrière ses jolis yeux, le juge-t-elle ? S'attarde-t-elle sur quelques discrètes rides, cherche-t-elle dans sa chevelure un manque de pigment ? En trouvera-t-elle ? Mais la jolie nymphe le regarde, avec son petit air qui se compose à mesure que les yeux suivent leur chemin. L'un et l'autre sont dans une contemplation entrecoupée par les mots du professeur qui n'ont aucun intérêt. Jusqu'à ce que ceux-là se croisent : leurs joues rosissent. Un autre moment de connexion qui ne dure pas si longtemps que ça, car sa confession se poursuit petits bouts par petits bouts, jusqu'à éveiller son attention : il remarque les doigts qui ne pianotent plus, et aussi le quelque chose en plus dans le fond de son regard à la mention des ignobles mathématiques. Lolita est surprenante, bien différente de lui. Les aversions diffèrent, même s'il aurait bien pu s'en douter – tendre littéraire face à implacable scientifique qui déjà croise les bras. Elle est joueuse aussi, dans ses mots, dans son reproche qui surprend le concerné. Il lève les yeux au ciel, la bouche mordant un sourire. « Ce n'est pas ma faute : personne n'aime les maths. » Certain que tous les cœurs de la terre sont littéraires, et que l'intérêt de certains pour la froideur des chiffres n'est qu'un égarement. Une folie du moment. Elle, pourtant scientifique en tout point, respire des merveilles des livres, des héroïnes divines qu'on aime mille fois, qui une fois les pages consommées elles ne nous quittent pas encore. « Le latin c'est passionnant – vraiment, je le jure. » Même si Romeo sait très bien que ce n'est pas réellement un point à défendre, car quand bien même il passerait l'éternité à aller de personne en personne pour les convaincre de l'amour qu'il faut porter à la culture latine il serait toujours l'un des rares à le ressentir vraiment. Il hausse les épaules pour terminer sa phrase, et la laisse commander. Un détail qu'elle a retenu, une information qui n'a pas d'importante, sortie pour simplement camoufler une envie capricieuse, un peu trop d'intérêt pour ce qui est devant lui. Parce qu'elle le taquine, parce qu'elle est légère dans ses paroles faussement assassines. Un regard pour ses propres copies, puis pour elle et son petit rire. Elle fait tourner son cœur et ses sens avec un naturel déconcertant. « Je n'y peux rien, ils sont pires que mauvais. Mais j'aurais peut être dû être un peu plus gentil avec mes questions. » Quoique, il ne le pense pas vraiment. Tout est dans le cours – il suffit de le lire pour retenir, de remettre en sens légèrement et de se plonger même un tout petit peu dans les informations ! « Et vous un peu jugeante pour une étudiante qui se trompe d'amphi quelque semaines après la rentrée. » Il se souvient de son jogging, de son air qui s'est décomposé dans la scène gênante d'une fuite qui a manqué de discrétion. Sans qu'il ne puisse le formuler, même dans le secret de ses pensées. Les petites mains glissent sur la table, et sans qu'il ne s'en rende compte lui-même, les siennes s'avancent un peu, le bout de ses doigts frôlent ceux de la jeune fille. Un instant d'arrêt, malgré la question encore bien espiègle qu'elle lui pose, quelques secondes où il s'arrête sur les doigts qui se sont frôlés. Son cœur bat fort, encore. « Je... » Saisir sa main sonnerait si juste – le presque interdit du juste ne le rendrait que plus délicieux. Un peu de constance qu'il s'invente pour poursuivre la conversation. « Un simple professeur de latin qui tombe souvent à vélo. Je ne fais rien de plus que donner des cours que personne n'écoute, pour une matière qui ne donne pas vraiment envie - mais je suis pas à pleurer, j'aime quand même. » Une présentation étrange, qui ne lui dévoile encore rien qu'elle ne sait déjà. La platitude de ses paroles lui inspire un moment d'audace – il faut bien qu'il en ait. « Mais mon prénom c'est Romeo. » Pas monsieur Siegel, mais Romeo. C'est sa main qu'il tend, le coude sur la table, une pointe de sourire au coin de sa bouche. Parce qu'il ne se voit pas toucher sa main autrement, ce sont les subterfuges qu'il faut prendre. Il veut les connaître, ses doigts. « C'est drôle comme on a tous les deux des prénoms qui hurlent littérature et triste fin. » Roméo le suicidé, le sort des Lolitas que personne n'ignore, qui se retrouvent tristement si souvent au quotidien ou dans la bouche des mégères qu'on ne passe jamais à côté.
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Mar 7 Nov - 23:05
Lolita Gorsky

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Elle est là, veule et informe. Comme un produit chimique dont les atomes se mélangent et changent à chaque moments, le code génétique qui devient liquide puis solide. C’est un jeu de respiration, de souffle, une façon d’appréhender le monde autre qu’avec une explication scientifique. Il est vrai que son cœur bat vite ; beaucoup trop vrai. La cécité de ses battements, elle s’aveugle à le fuir, en perd les repères de son espace et l’équilibre de son oreille interne. Alors, elle tente d’attraper les dés de cette partie de carte fuyante, partant sur la route des regards interrogateurs et joueurs. « Ce n'est pas ma faute : personne n'aime les maths. » Le petit regard, la légère intonation, il se délecte de sa réaction alors que les épaules nues se balancent, s’étonnent. « Oh, vraiment ? » L’insolence de ses mots alors qu’elle ne fait que défendre une thèse qui lui tient à cœur ; les chiffres sont des aigles volants de ligne en ligne auprès desquels elle s’éprend d’amour à la combinaison parfaite. C’est la science du vrai, du véritable, de quelque chose qui a fait avancer des générations passés. Il est le fruit de ses livres, l’odeur que l’on a en ouvrant une encyclopédie des langages et des cultures. Un savant littéraire qu’elle s’amuse à aiguiser dans son esprit friand à la moindre découverte. Un homme du passé à la connaissance habile dont les mots et les lettres sont des couteaux qu’il aiguise avec attention, dont elle doit se méfier. «  Le latin c'est passionnant – vraiment, je le jure. »  C’est les épaules qui bougent, geste déconcertant qui fait frissonner le moindre recoin de sa peau alors que le sourire timide a laissé sa place au moqueur qui s’amuse devant le faciès de l’homme. « C’est moi ou vous que vous essayez de persuader ? Si je peux vous aider, ne tenter pas sur moi, vous allez perdre votre temps. » Sourire malicieux ; elle n’a pas besoin de battre des cils ou de glisser un clin d’œil tant la portée de ses mots sont déconcertantes, tant l’habitude de rire lui est aisée. Les boissons qu’elle commande d’une aisance particulière, les copies dont elle s’allèche de piquer le professeur. Professeur comment ? Elle ne le sait pas ; son propre rire interne la fait éclipser de nouveau ses lippes quand elle y pense : elle est devant le plus grand inconnu de ce monde, l’infini grand, le chiffre x à résoudre d’une équation. C’est les sommes qu’elle sonne inlassablement : Louis ? Simon ? Howard ? Howard ! Ça sonne grandiloquent, parfait pour un "professeur de culture occidentale". « Je n'y peux rien, ils sont pires que mauvais. Mais j'aurais peut être dû être un peu plus gentil avec mes questions. » La tendresse presque mauvaise de sa voix alors que son visage se plaît à se tourner pour essayer de lire, comprendre sans vraiment savoir. Une figure géométrique rouge reliée par les gribouillis et les annotations ; drôle de figure. « Et vous un peu jugeante pour une étudiante qui se trompe d'amphi quelque semaines après la rentrée. » C’est la bouche qu’elle écarquille, d’un grand oh ! silencieux et retenu. Ebahie, le pic imprévu vient chatouiller son échine, tourné en rond dans son estomac alors que c’est son rire qui chante comme le ferait un merle ; petite nymphette au rire un peut trop fort. « Touchée ! C’est que Monsieur Professeur de Lettre sait – en plus de mal noter – enfoncer le clou, c’est de bonne guerre. » Le sourire qui borde ses lèvres – quand va-t-elle s’arrêter de sourire comme la première des bécasses ? –, la douleur qu’elle sent dans ses joues alors que ses doigts ne prennent pas garde. La danse de la nervosité passé, c’est la décontraction la plus totale, à la voir on pourrait la croire en bonne compagnie : oublier le grade, le nom, l’âge, c’est une table où un homme et une femme discutent en tout simplicité. Les mains qui parcourent des Centimètres, le rire qui retombe alors qu’elle se laisse aller de nouveau à la contemplation. Regard qu’il perd ailleurs et qu’elle s’amuse à observer discrètement, fasciner par la posture de son buste, la monture de son corps comme un militaire prêt à charger. Les fantasmes qui naissent un instant, rien qu’un instant. Sensation qui la réveille, le fait de nouveau frissonner alors qu’un bout de main rencontre le sien. Son souffle qui redevient fort, battement par battement, tambourinent comme il n’a jamais tambouriné ; meurt à petit feu. C’est les cuisses qu’elle sent se coller sous sa jupe, l’émotion qui la submerge et qu’elle tente de masquer d’un air faussement naturel qui crie la délivrance. « Je... » Ses songes lui diraient de continuer, mais elle en est fort incapable ; si l’albatros perd ses ailes, elle, la nymphette, se noie dans une déchéance mathématique où le résultat est nul, introuvable, impensable.  « Un simple professeur de latin qui tombe souvent à vélo. Je ne fais rien de plus que donner des cours que personne n'écoute, pour une matière qui ne donne pas vraiment envie - mais je suis pas à pleurer, j'aime quand même. » Toujours aussi confuse, il lui est difficile d’articuler des paroles, des syllabes, alors elle ne fait qu’hocher, simplement hocher. C’est fort, de mettre sous silence le constant moulin qu’elle est, de faire taire la moindre pensée par un toucher et pourtant, il est devenu maître dans l’art de cette matière. « Mais mon prénom c'est Romeo. » Le regard qu’elle pose sur le serveur qu’elle arrive alors que ses lèvres chuchotent un merci, puis les iris qui reviennent à la charge alors que ses lippes s’écartent à la pensée silencieuse. La main, le retour de la tentatrice et solide main qu'elle s'empresse de saisir comme un objet qu'on retiendrait de la chute, l'empressement peut-être trop visuel, sauvage. C'est la main qu'elle tente de saluer normalement alors que sa respiration se resserre d'un sourire gêné, ne pas quitter sa main, jamais, un objectif qu'elle se fixe. Et elle cherche, cherche les mots qu’elle ne trouve pas, cherche encore et encore d’un air qui fronce ses sourcils. « C'est drôle comme on a tous les deux des prénoms qui hurlent littérature et triste fin. » Le regard qui hésite, se pose sur son propre capuccino alors que ses yeux pétillent quand l’idée remonte. « Ah oui, je le savais ! Ô Roméo, mon Roméo, pourquoi es-tu Roméo ? Je ne pense que ça soit la réelle phrase, mais c’est tout ce dont je me souviens. A croire qu’avant votre naissance, tout portait à croire que vous alliez être un littéraire avec un prénom comme tel ! » Le rire qui borde ses lèvres, elle ne prévoit pas les paroles qui traversent son esprit et sorte comme dans un flash, un non-contrôle auquel elle n’a pas l’habitude et pourtant qui ne la perturbe pas. Ses petits yeux scrutant la mousse elle s’empresse d’ajouter. « C’est un très beau prénom qui s’accorde avec la personne que vous êtes. Vous devez être plein de mystère Monsieur Professeur de Lettre. » C’est le rire moqueur qui embellie une énième fois ses lippes, les deux mains qui n’ont pas bougés qu’elle repousse doucement, cherchant à coller ses paumes contre la tasse bouillante. « Je sais que ma mère connaît la légende de Lolita juste quelques années après ma naissance, je n’ai pourtant jamais eu un réel attrait pour la littérature si ce n’est les contes. » Petites mains qui emmènent la tasse près des lèvres de l’enfant alors que son nez s’arrête pour sentir l’odeur. Le café, parfait, qui remonte avec sa couleur du fond que l’on peut deviner. Et la touche personnelle, celle qu’elle aime plus que tout, la cannelle poudrée, disposée sur la mousse. Elle ne fait pas attention à son regard, elle est nichée dans la sensation de cette odeur magique et de ses lèvres plongeant sur la tasse. Le nectar lui brûle la trachée de par sa chaleur et pourtant, elle ne peut s’empêcher de sourire, une fois la tasse posée. Son petit sourire qui orne ses lèvres, les babines qu’elle lèche sans prendre attention à cette lèvre inférieure beaucoup trop laiteuse. C’est sur le museau de la bête sauvage que l’on retrouve la moitié de la mousse alors que son sourire de nymphette délivre la plus grande ironie tragique. Œdipe à sa manière, elle toise le beau Jocaste de ses iris de biche et de son air apaisé, endormi, tombant petit à petit dans le piège de ses iris.
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Jeu 9 Nov - 16:11
Romeo Siegel


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Le blason des lèvres ; l'éloge de la courbe supérieure, les mots qui s'allongent sur celle-ci, l'épousent pour au mieux la décrire. La dévotion lentement naissante pour l'inférieur, pas moins adorable, pour cette pulpe doucereuse qu'il s'imagine toucher du bout des doigts. Pulpe des doigts contre celles de la lèvre. La bouche qui s'ouvre grande, la bouche qui est là comme un cercle pour recevoir sa taquinerie. La petite nymphe prise au dépourvu, dont l'aisance à montrer ses plus piquants aspects s'est retrouvée partagée par l'insoupçonné. Émulation, mutualité : parce ce qu'elle est elle, parce qu'elle est insaisissable, a capable d'avoir la voix d'une petite souris sous une terrible assemblée de cerveaux jugeurs, et d'avoir le ton de l'insolente sous les douces lumières de l'éternel café d'Arcadia Bay. Il veut retrouver cette spontanéité – l'apprendre à nouveau sous une langue différente, avec des mots autant oubliés que mal maîtrisé. Le lettré veut une nouvelle manière de parler à son trousseau de langues et de dialectes, pour une plus impatiente et sauvage : celle de Lolita. Les lèvres reviennent en sourire, et les siennes aussi. Et encore le professeur de perd dans le portrait, dans l'exploration et les rêves jusqu'à une ébauche de présentation qui ne saurait être plus mauvaise. Bancale, en rien à la hauteur de la situation – eux, l'un devant l'autre dans l'intimité à moitié fausse de ce lieu de jeunesse ; l'odeur des souvenirs, parfum de la jeunesse. Chasteté simplement feinte – il a lui même la tête pleine de mots qu'il ne préférerait pas savoir écrire, des images qui se forment sans qu'il ne les contrôle vraiment. Elle, impérieuse, nue, debout. Lui, la bouche sur un de ses genoux. Les yeux fermés, l'esprit contemplatif et les souffles à l'unique écoute d'elle. Rien ne part encore, rien ne s'efface quand la main qu'il tend est saisie avec une rapidité qui lui laisse un sourire, un petit rire que des lèvres closes veulent diminuer. Il y a la paume, l'autre, et les dix doigts qui se comprennent et se touchent. De la première fois puis aux touchers timides et hasardeux du bout des doigts à enfin encore, une poignée de main. Brûlante comme l'été, chaleur que cette fois-ci il ne laissera pas partir. L'autre main a quitté le stylographe pour se poser sur les leurs. Les phalanges qu'il explore, les doigts sur lesquels les siens et son regard glissent ; le temps s'égare. Le temps se perd, le temps peut bien ne jamais revenir. La rêverie dans laquelle Romeo s'enfonce ne dure pas l'éternité qu'il aurait souhaité, car c'est un instant de drame romantique qui brise le silence. Ô Romeo, mon Romeo ! Pourquoi es-tu Romeo ? Elle lui conte une poésie qu'il a mille fois parcouru, dont il s'est délecté par plaisir d'être lui aussi Romeo, par la vanité étrange du cœur littéraire, sans jamais se lasser des amis qui ont des phrases du balcon à la bouche, des inconnus qui se plaisent toujours à lui chanter les déboires de son autre lui. Et lui aussi, en a plein la tête, surtout quand il la regarde. Juliette qu'elle est, maligne comme elle, un astre à en tuer la lune, une merveille à rendre jalouse la terre, le soleil, ses mères et ses filles, les déesses et les nymphes. Artémis doit être bien pâle à sa vue, Aphrodite fière de sa création, et l'infernale Perséphone doit cacher les joyaux qu'elle fait pousser dans les enfers, se rendant compte que leur lueur vient enfin d'être détrônée. Alors le professeur se fait hardi, la regarde et lui lâche ces simples mots. « Défaits-toi de ton nom, qui n'est rien de ton être, et en échange, oh, prends-moi toute entière. » Ses joues rougissent, puis son ses yeux rencontrent la table et les mains quittent celle de l'espiègle Lolita pour se cacher sous la table. « Je crois que vous avez raison. Je suis né avec les vers de cette pièce plein la tête. » Espérons que la fin tragique ait périt par les siècles qui séparent les premiers amants de ceux-là ! Espérons, espérons ! Un compliment, l'aveu d'un mystère – un sourire fend le visage de Romeo. Authentique et merveilleuse, laissant sur son chemin des petits mots qui le tourmente et l'attise, des tendres effets dont elle doit, on pense, mesurer pleinement l'impact. Un beau prénom pour une belle personne – c'est une vérité que nous pouvons appliquer à l'un comme à l'autre. Est-il mystérieux ? A-t-il dans son être des ombres impénétrables ? Nous ne pouvons être certains. Il cache rarement, dévoile facilement. Ses anecdotes coulent sur sa langue sous les demandes silencieuses, se sent aède de pacotille dans ces moments-là. « Oh, moi le mystérieux ? Et pas la jeune fille qui passe de la timidité même à l'aisance un peu espiègle ? Moi on peut y lire comme un livre ouvert, mais vous... » Sourcil arqué, lui-même qui s'essaie à la hardiesse. Car c'est facile à côté de Lolita. Quand elle confesse qu'il n'y a que les contes qui trouvent grâce à ses yeux dans le monde de la littérature, le professeur esquisse un sourire. Aimer les contes, il veut bien croire que c'est déjà assez. Pendant quelques secondes, il l'imagine penchée sur quelque histoire, allongée sur le ventre, les jambes croisées aux chevilles, la tête penchée d'un côté à l'autre, douceur, arrêt du temps encore. Mais une image délicieuse en laisse place à une autre : la petite Lolita a maintenant fini de boire ses extraits de cannelle, et un peu de mousse décore sa bouche. Elle ne le remarque pas, mais Romeo s'en retrouve hypnotisé. On ne saurait dire pourquoi – ce n'est que du lait, ce n'est qu'un oubli. Ca ne devrait pas être grand chose, mais Romeo regarde, hésite à lui dire, s'en empêche mille fois juste pour continuer son étrange contemplation. C'est une figure de naturel enfantin, de jeunesse décomplexée, de tendresse perdue. Mais même les meilleures choses doivent mourir ; « Vous, hum... » Que dire ? Il étouffe un rire en pinçant ses lèvres. La main lui tend la petite serviette en papier qui accompagne toujours les boissons chaudes. « Vous feriez mieux d'utiliser ça. » Toujours un peu de cet amusement dans sa voix, et le regard qui se baisse à peine quand elle s'exécute. Mais il faudrait mieux distraire cette étrange passion, l'édulcorer avec du banal, la noyer dans l'infra-ordinaire pour qu'enfin il arrête de penser aux jambes contre la banquette, à celles qu'il jure si proche des siennes, à ces mains qu'il serait si plaisant d'embrasser. Jure Romeo que tu te garderas chaste ! « Ca vous dirait de m'aider ?Ce sera pas bien compliqué. » Les copies qu'il fait glisser jusqu'à elle, évitant le café crème et le cappuccino déjà entamé. Le stylographe rouge est aussi de l'aventure. « Vous m'avez reproché ma sévérité, peut être que vous pouvez faire mieux. » Un défi qu'il propose, juste pour la retenir, pour que tout s'éternise. « Promis, je ne changerais pas les notes que vous mettrez. »
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Dim 12 Nov - 14:18
Lolita Gorsky

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Légende connu de par des parents littéraires, c’est la Lolita savante, mémorielle qui parle en tentant de prouver dans un élan d’égocentrisme trop puissant, où le jeu d’acteur qu’elle ne maîtrise pas se cache sous cette liesse de bon sentiment divin qui enivre son corps. Elle se perd à se rappeler les phrases entre le goût du café et du lait mélangée, brûlant sa trachée. L’addiction vilaine au sucre adorée, le regard qui sillonne les horizons de son petit air pragmatique, maniaque du visage qui peut refléter ses sentiments. Les mains qui se rencontrent avec activité, sauvagerie, d’un dynamisme flagrant. L’idée de savoir que la caféine va encore couler dans ses veines l’apeure déjà alors que ses lippes sortent les doux vers, unique vers, dont elle est capable de se rappeler la réelle existence. « Défaits-toi de ton nom, qui n'est rien de ton être, et en échange, oh, prends-moi toute entière. » Le son qui parcourt ses oreilles, le frisson trop présent sur sa peau alors que les regards prennent la fuite, dérivent sur le sol, un objet de décoration, un tableau de la pièce. Un rien attire les regards alors que tous les mots les font fuir.  « Je crois que vous avez raison. Je suis né avec les vers de cette pièce plein la tête. » Les opalescences attendris de la douce, ce sont ses pupilles qui imaginent un petit Roméo, bambin, récité les vers que sa mère peut lui dicter, recherchant sa Juliette et son acolyte. Et c’est le sourire béat qu’elle laisse trop longuement perdurée sur son faciès de poupée, d’enfant captivé. Elle, la vile démone aux idées trop adorés, à l’imagination fantaisiste parcourant le moindre contour de ses paupières alors qu’après un simple prénom, elle s’imagine toute une identité du lettré. Elle s’amuse à lui dessiner une vie – est-il père ? Se plait-il à ne pas porter d’alliance ? Est-il maniaque ? – imaginant chaque minuscules situations comme les brides d’une vie dans une infinie de possibilité. Il est le f de son x, une équation qu’elle veut, se doit de résoudre sans savoir pourquoi elle y porte une trop grande attraction ? Ne serait-ce pas parce que le beau x plonge ses iris dans une contemplation infinie qu’elle se sent incapable d’arrêter ? Les questions sans réponses se confondent, la matraque, l’affaiblisse et c’est dans sa boisson qu’elle vient glisser ses lèvres pour y trouver du réconfort. « Oh, moi le mystérieux ? Et pas la jeune fille qui passe de la timidité même à l'aisance un peu espiègle ? Moi on peut y lire comme un livre ouvert, mais vous... » Mais vous, mais vous... Comme un air de Gainsbourg dans ses oreilles, c’est dans la commissure de ses lèvres qu’on peut imaginer le sourire enfantin. Elle se voudrait séductrice, bougeant sa chevelure sauvage à l’image d’une Aphrodite éternelle mais rien qu’en y pensant, elle ne peut que rire de sa propre idée. Ce n’est pas une déesse, ni-même une odeur d’aphrodisiaque ; ce ne sont pas non plus des lèvres pulpeuses en demande d’amour ni-même la douceur tendre d’un baiser intime. L’enfant ne sait à peine comment être feu d’artifice, enchanteresse, séductrice. Des mots bien trop loin, bien trop francs, ne sachant pas détrôner la pudeur fraîche de cette fleur dont les pétales sont à peines ouverts. La tête qui tourne, les images qui s’embrouillent, elle ne voit pas les yeux qui s’arrêtent du professeur, ni-même la sensation du lait sur son museau. C’est l’habitude solitaire de laisser trainer ce petit lait sur le dessus de ses lippes pour avoir le plaisir de les lécher. Mais ce plaisir qu’elle s’offre, ce n’est que sans la présence d’être pour la juger, l’observer – et c’est dans l’aise la plus totale qu’elle ne se rend pas compte que le café est légèrement rempli et qu’un professeur trône en face d’elle –.  « Vous, hum... » L’état rêveur qui la font respirer à nouveau, réfléchir alors que le petit papier se tend suivi d’un rire discret, les doigts qui l’attrapent doucement, surpris, ébahi par ce rire espiègle. « Vous feriez mieux d'utiliser ça. » L’autre main qui glisse pour toucher le haut de ses lippes avant de prendre un air ahuri, une claque interne résonnant sur son front comme un bruit de fatigue personnel, d’idiotie incontrôlable. « Je... Merci ! » Le tissu qui glisse d’une main à l’autre, les ADN sur le papier, tissu qui glisse pour essuyer les lippes gourmandes. La pensée des doigts sur son papier – d’une façon particulière, c’est avec ses empreintes qu’elle essuie ses lèvres, et donc les doigts sur sa peau ? – et c’est encore la claque mentale qui retentie contre sa tête. Le comportement trop adolescent, fébrile, fuyard ; rien ne lui ressemble et elle se sent comme le plus horrible des clichés humains à espérer via un pauvre tissu de papier. Les mains qui s’agitent rapidement, l’idée de ses doigts, de sa main, de son regard ; tout en elle transpire. Alors elle rapproche encore plus ses cuisses, passant la jambe gauche sur la jambe droite, secouant légèrement le pied gauche alors que ses mains cherchent une distraction, un moyen de ne pas trop le regarder, de ne pas trop penser. Car les yeux sont condamnés à se noyer dans son visage, les mains à espérer un toucher, les oreilles à entendre son rire, la langue à embrasser ce capuccino pour l’éternité, l’odeur de son café crème dans ses narines. Les sens en éveil, l’esprit tout autant, c’est la confiance qu’elle tente de saisir et la gêne de chasser. « Ca vous dirait de m'aider ?Ce sera pas bien compliqué. » L’esprit mathématique qui revient – enfin cerveau, tu te réveilles ! – alors que son regard glisse sur les copies, le stylo rouge qu’il tend. « Vous m'avez reproché ma sévérité, peut être que vous pouvez faire mieux. » Le petit rire qui tringle alors que ses yeux observent l’homme avec amusement, le rire bienveillant chassant la moindre tension qui pourrait la faire brûler. « Je ne suis qu’une étudiante en anthropologie…  Promis, je ne changerais pas les notes que vous mettrez. » Le regard qui se relève, les babines qu’elle aiguise d’un nouveau coup de langue rapide alors qu’une main vient balayer les quelques mèches sauvages sur son visage pour les placer avec habilité derrière ses oreilles. « Hum… Et bien… Je peux voir qu’ici, vous avez placé un deux, ce qui n’est pas très adorable… Enfin, adorable n’est pas le mot, mais vous voyez, il a quand même rendu une copie de sept pages et juste pour l’effort, vous pourriez au moins lui accorder un cinq ? » Les paroles qu’elle pose, accordant ses mots avec les mouvements du stylo alors que ses yeux vont décortiquer le papier qu’elle relève légèrement. Les sourcils qui se froncent, le visage d’une Lola en pleine réflexion. La quasi-totalité de la leçon qu’elle est incapable de comprendre, le regard qui se relève, le nez au tic infâme de se relever doucement vient se poser sur le visage attentif du professeur. « Bon, je dois vous avouez que noter quelque chose qui n’a aucune possible logique – car après tout, les lettres sont simples mais subjectives, tout dépend de notre façon de voir les choses et de les interpréter –. De ce fait, je peux dire que la personne a un bon style rhétorique et que l’encourager sur les points positifs peut être un total booster pour progresser. C’est en encourageant la personne, sans lui dire que tout est acquis, que l’être humain se verra forcément motivé à travailler d’autant plus pour obtenir un meilleur résultat. Si on garde que le négatif, il va de soi que c’est démotivant et laisse le négatif gagner. Je dirais donc qu’il pourrait avoir un … neuf ?… dix ?... Et si on rajoute ceci, ça ne pourrait que l’aider ! » Le deux petites droites fines, le demi-cercle qu’elle forme : le beau sourire digne de la maternelle alors que sa main tend la copie avec un sourire candide, amusé par la situation. « J’espère que donner vos copies n’est pas un moyen de se débarrasser de vos corvées, sinon je devrais vous donner ma dissertation sur l’évolution des cultures et – malgré votre grand savoir, puisque vous êtes un adulte titulaire d’un diplôme de professeur – je ne pense pas que ça vous inspire grand-chose ! » La boisson qu’elle avale de nouveau, les coudes qu’elle pose impoliment sur la table alors que ses mains forment un point, un appui où elle peut poser sa tête, abaisser son corps pour observer un instant les copies avant de relever la tête. C’est son visage fin dont elle s’enivre, le cœur qui repart en chamade, la moindre de ses expressions dont elle ne se lasse pas d’absorber. Les jambes qui se resserrent encore plus sous la table, le moindre de ses faits et gestes qui la rendent folle, complètement folle…
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Mar 14 Nov - 20:43
Romeo Siegel


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Jeune étudiant, il s'est moqué des vers de Ronsard, de cette dévotion – peut être que le terme est incorrect, amoureuse qu'un cœur hypocrite et fougueux a regardé comme une hérésie aux sentiments. De faux mots, des impressions illusoires – une passion ridicule et poussiéreuse qu'aucun être moderne ne saurait ressentir. Pourtant voilà que :

Elle va, mille fleurs ravissants.
Je voudrais bien pour alléger la peine,
Être un Narcisse et elle une fontaine,
Pour m'y plonger une nuit à séjour.


Lui viennent de nouveau en tête, et pour une fois prennent sens. Le cœur n'est plus septique et uniquement adorateur des épopées latines puis grecques, l'antiquité n'est plus seule maîtresse de ses pensées. Il a au fond de lui un poète de la Renaissance près à lui offrir les plus délicieuses amours en quelques lettres que sont Lolita. Il s'émerveille lentement et tout à la fois d'elle, la compare aux textes pas cent par cent fois étudiés, sans se lasser. Shakespeare dans la bouche, et Ronsard dans le cœur : comme pour ce dernier, cette dame n'est pas un moyen de toucher le divin. C'est autre chose, c'est bien plus complexe. Quelque chose qui lui fait battre son cœur, quelque chose qui les réunit dans un frisson, dans une impression sauvage et partagée. Sauvage – c'est un drôle de mot. Quand on ne fait que les regarder, ça ne leur va pas : un homme, une plus jeune à la même table, des copies non loin d'eux. Il est si simple de croire qu'ils sont professeur et élève, de simples connaissances qui ne voient rien de tendancieux à cette rencontre. Mais si l'on plonge sous leurs peaux, si enfin on décolle la surface pour bien regarder l'intérieur on se rend compte que c'est tout autre. Le sang bat fort à l'intérieur de Romeo, le cœur est infernal. Et elle, comment est son souffle ? Que verra-t-on dans le fond de ses poumons et de ses propres cachettes ? Mais peut être qu'on n'a pas besoin d'en aller jusque là, peut être que la surface trompe l'aise. Romeo et ses jambes qu'il ne sait pas où mettre, celles de Lolita contre la banquette adorables et blanches. Les mains qui se sont tenues dans un moment interdit, dans une précaution étrange. C'est une proprette surface qui n'a rien d'une armure, mais d'une coquille – elle se brise pour peu se reconstruire, car voilà que la jeune fille a une moustache de lait. Un peu de blanc sur le haut de ses lippes, et une image qui laisse l'homme dans un état de contemplation et de gêne, de mots qu'il dissimule par d'autres, d'un mouchoir en papier qu'il tend entre le rire et la rougeur. Une scène d'innocence, des gestes d'enfant, et des pensées scientifiques qui se dessinent pourtant dans une tête si douce. Lui, ne s'en doute pas – ses envolées n'ont rien d'une science précise, elles sont capricieuses et modifient leur propre essence par son seul bon vouloir, par sa subjectivité maladive. La nymphette s'essuie avec ce naturel qu'il est encore une fois si rare de rencontrer. Et que lui, ne se lasse pas de déguster. Peut être – aussi sotte l'idée semble mise en mot, qu'il rêverait d'être le mouchoir à sa bouche, le tissu qui se frotte aux commissures juste pour lui voler un baiser. Oserait-il ? S'il l'embrasse, aura-t-il l'audace des premières fois, ou l'habitude confortable du temps des adultes ? Aura-t-il sa main sur sa taille, ou dans ses cheveux ? La cannelle, encore sur la langue de la tendre jeune fille ? Mais, voudra-t-elle seulement l'embrasser ? Aura-t-elle une passion soudaine mais semblable, ce même besoin de contact ? Aura, aura aura-t-elle ! Des questions pour une fois conscientes, qui se forment dans sa tête sans qu'il ne les chasse avec honte et culpabilité – Romeo reconnaît cette dévotion. Et rien de celle-ci ne saurait mourir quand elle se laisse aller à son jeu, prend le stylo et endosse le dur et pourtant plaisant rôle de professeur. Sérieuse, quand elle repousse les mèches de cheveux, quand elle met des euphémisme sur sa manière de noter. Et ses critiques attirent son sourire, le font un peu rougir – il est trop dur. Trop peu aimant des étudiants qui n'ont pas un génie indéniable, et il l'est depuis toujours. Cette dureté est née bien avant les bancs de l'école – c'est un élitisme ridicule qu'il est si bon de s'offrir quand on a rien d'autre que ça. « Cinq, pourquoi pas. Il a passé sept pages à confondre Hérodote et Hésiode, et à dire que l'Enéide a été écrite par Ovide, mais pourquoi pas. » Ton caustique, sourcil qui se hausse. Qu'elle s'écoute, qu'elle ne se soucie pas des ruminations d'un exigent, qu'elle continue de l'entraîner dans son indulgence juste ! Puis quand elle le regarde, qu'il se délecte encore de son petit air, il veut bien lui laisser faire tout ce qu'elle veut à ses copies. Qu'elle y dessine, qu'elle mette ses gentils mots ! Même s'il se voit mal encourager l'incompétence, même si, même si, il ouvre grand ses oreilles comme si c'était elle le professeur. « Vous n'avez pas tort. Cette élève-là n'écrit pas trop mal, peut être que je devrais apprendre à apprécier un peu plus la forme. En tout cas, ils vont être très heureux de cette hausse de note – et peut être qu'ils traîneront un peu moins les pieds en allant à mon cours. » Un rire aussi, quand elle se demande si ce n'est pas une manière de se débarrasser de son travail ! Ah si douce Lolita tu savais que c'était simplement pour te donner une raison de rester, de faire jouer tes cordes vocales, de voir tes mains et ton sourire ! « J'aurais certainement une note pitoyable. Un trois, un quatre ? » Une hésitation, un haussement d'épaule qui se finit dans un sourire. Elle est sous ses yeux, dans ses mouvements qu'on n'attend pas, dans ses prises de confort et de nouveau ses contemplations partagées. L'appel du baiser qu'il sent encore, l'envie qui le taraude. Mais il ne faut pas, au risque de la faire fuir. C'est une biche qu'il ne voudrait jamais effrayer – il lui faut préférer les mots aux gestes comme l'Ulysse sur les berges qu'il se sent tant de fois à ses côtés. Mais pourtant ses mains ne se contrôlent pas tant que ça. L'une d'entre elle s'égare sur celles de la jeune fille, caresse en osant se plonger dans ses yeux les jolis doigts. Son audace cause un frisson dans tout son corps, et l'envie de parler pour tout faire passer. « Vous êtes vraiment trop adorable. »

Puis le temps passe, les heures défiles – des heures où il ne manque pas de saisir sa main au fil de ses paroles, presque sans s'en rendre compte. Des impressions qui ne le quitte pas, une envie qui elle non plus s'éternise et s'installe pour qu'un jour celle-ci ne le quitte jamais. Il est bientôt six heures de l'après-midi, le soleil se cache un peu. Les tables se vident et se remplissent, sans que Romeo n'y ait prêté attention. Et ce jusqu'à ce qu'il finisse par regarder sa montre et constater avec désastre qu'il l'a retenue pendant bien trop longtemps. « Oh, déjà ! » Ton attristé, lèvres pincées. En rien il n'a envie de la quitter. Reste, Lolita, reste ! Total inverse du Lolita go home de Gainsbourg, pas un blâme aux airs de célébrations mais une célébration tout court. Romeo est embêté, regarde sa tasse vide de tout contenu, les copies éparpillées. Un soupir. Puis un espoir et une audace : « Je peux toujours vous raccompagner. » Peut être pas pour un baiser, peut être simplement pour la regarder partir avec l'impression d'avoir goûté de sa compagnie assez longtemps. « Même si je risque de ne pas être le mieux placé pour ça - c'est moi qui suis tombé à vélo après tout. »  
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Jeu 16 Nov - 14:00
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sends shivers down my spine, body's aching all the time

C’est un jeu du chasseur et de la souris. Une chasse sauvage, maladivement tendre à l’état des plus naturels. La course poursuite déchaînée dans les paysages, Kronos riant de ce contrôle malsain du temps. Ils ne se connaissent pas, se dévisagent, s’apprivoisent, se fuient et se poursuivent. Les respirations qui perdent leur souffle, les cœurs en implosion constantes ; c’est au rythme des tambours qu’ils passent d’une valse au tango et d’un charleston à une rumba. La contemplation qui la démange, ô pauvre Lolita démunie face à la beauté de ce Christ ! Pauvre Diane, pauvre Artemis, l’amazone qui se pensait indomptable fait face à la beauté d’un Apollon et les doux dires d’un Zeus qui s’amuse à la séduire. C’est une Eve sans pomme, sans serpent ni-même nature ; elle est démunie de ses sentiments renversants et de son attraction folle. Les idées farouches qui viennent caresser ses pupilles ; Lolita tu n’es qu’une enfant, voyons ! C’est sa chaire qu’elle veut faire prisonnière de ses lippes, les doigts qu’elle s’imagine enrouler dans les siens sans jamais lâcher cette grande main. C’est l’enfant et la femme qu’elle veut devenir, la nymphette naissante aux idées florissantes. C’est l’étude de l’humain jusqu’à son être intérieur qu’elle apprécie, la pensée, les croquis ; et la pauvre lurette se sent De Vinci ! Incapable d’agir, elle est à l’image de cette muette qui tenterait de communiquer le plus pur sentiment, de cette aveugle qui voudrait voir le monde. C’est une pudique par nature, une réservée qui n’oserait avouée au grand jour les pensées débauchées qui fourmillent dans sa tête sans jamais s’arrêter. Et les mots, ô les pauvres mots, deviendraient rouge de honte, fuiraient tant les sons et les goûts ne peuvent être décrits. C’est l’hybris qui la touche sans qu’elle n’ose le dire, l’avouer. Et ça cogne, ça frappe, ça la réveille tel une piqure de rappel : elle n’a pas le droit, pas ça, pas lui. Pas un professeur, ce serait interdit. Ni-même de penser ainsi, c’est une forme trop sauvage pour l’enfant. Elle est indépendante, Lolita, et s’attacher à une autre chaire qui de plus admire des textes tous aussi misogynes les uns que les autres – pauvre souvenir devant les copies qu’on a pu lui distribuer et sa voix forte qui a raisonné dans la salle, poussant scandale sous la figure de cette femme vénale ou soumise ; que les anciens sont injustes et puérils ! –, pas un lettré, pas un latiniste, elle ne peut se permettre. C’est la confusion même, la perdition dans le regard, l’âme qui se déchire, le choix qu’elle ne peut forcer. « Cinq, pourquoi pas. Il a passé sept pages à confondre Hérodote et Hésiode, et à dire que l'Enéide a été écrite par Ovide, mais pourquoi pas. » Le sourire pincé, cinglé de ce professeur trop sérieux – elle ne peut le juger, elle le serait beaucoup trop également, quoique peut-être un peu plus pédagogique dans un esprit fraternel – qui se voit rétrograder par la figure souriante du symbole qu’elle vient d’offrir à la copie. « Vous n'avez pas tort. Cette élève-là n'écrit pas trop mal, peut être que je devrais apprendre à apprécier un peu plus la forme. En tout cas, ils vont être très heureux de cette hausse de note – et peut être qu'ils traîneront un peu moins les pieds en allant à mon cours. » C’est l’écoute de ses mots qu’il prend en compte, comme si l’idée d’une scientifique allait aider un professeur diplômé à faire ses études. A l’image de Platon et de ses disciples, ils ne partagent pas les mêmes convictions mais s’amuse à délier les langues comme si toute la connaissance du monde trônait dans leurs bouches, trivium et quadrivium dans leurs têtes. « J'aurais certainement une note pitoyable. Un trois, un quatre ? » Le rire qu’il laisse flotter dans l’air donne cette impression que tout ce monologue interne disparaît, comme si son souffle diffusait un dioxygène particulier qui la rendait sensible ; un aphrodisiaque dont elle se sent déjà éprise, addictive. « Ne vous méprenez pas si vite, peut-être que mon professeur aura un assistant qui montera votre note à dix et vous mettra un sourire ! » Petite référence qu’elle glisse avec malice, comme une blague qui n’appartient qu’à eux, quelque chose qu’ils sont en train de créer dans le plus grand des délices. Les pupilles qui se plongent, les unes dans les autres, se confondent, se mélangent, se bouleversent. Pauvre Lolita, il te faudrait essuyer ton front, panser ta peau et changer tes tissus les plus intimes tant ton langage est si aride et suffoquant, à croire que ta saline disparaît de ta bouche et parcourt ton corps ! La main qu’il cherche, qu’elle ne sent pas au début et pourtant, les doigts qui plongent dans les siens, qu’elle sent, qu’elle inspire. C’est une torture physique : ses cuisses n’ont jamais été aussi près l’une de l’autre – N’essayes-tu pas de toucher ses jambes avec tes pieds ? -, le cœur qu’elle ne peut plus sentir ; dire qu’elle implose encore serait répétitif et pourtant, c’est le réel effet qu’il fait sur sa peau, son corps, son âme. « Vous êtes vraiment trop adorable. » Adorable, mot qu’elle entend à son oreille alors que les images reviennent, la passion vibrante. Elle fond tel un soleil, brille et étincelle devant cette silhouette lunaire et pourtant attendri. Les deux êtres timides qui se comprennent, partagent et brûlent sous la pudeur des gestes et le recul presque trop propre de cette attraction virevoltante.

Le temps défile sous l’affluence du monde, passagers, lointains. Ils n’entendent rien que leurs sons de leurs voix, les rires qui s’entrelacent, les mains qui s’éloignent pour venir se reconquérir. C’est le battement du cœur qui tambourine, se calme, reprend ce galop infernal d’Orphée aux enfers. Ils ne se calment plus, et elle laisse dévier sur son visage quelques mouvements languissants sauvages, quelques postures des plus chavirantes, jouant avec ses propres sens ; elle s’apprend, se devine Aphrodite quand elle n’est qu’une muse qui se cache dans les bois. Et puis son regard qui se pose sur sa montre alors que le pied tente de toucher une jambe – Lolita, que se passe-t-il ? Transformé en séductrice qui n’ose pas, la figure en est pittoresque – et le ton ravageur la sort de cette emphase tendre et chaleureuse. « Oh, déjà ! »  C’est sa propre bouche qu’elle sentant dire un non, non restons, ne partons pas, restons ici pendant des heures et des jours, Kronos peut bien s’en foutre, il n’a qu’à les arrêter. C’est son minois qui s’abaisse, le regard sur la table alors que ses mains farfouillent dans le porte-monnaie. « Je peux toujours vous raccompagner. » La tête qui se retourne de nouveau furtivement face à lui, implosion trop rapide de tout son être en extase ; ce sourire qui orne ses lèvres comme un enfant à qui on promet des friandises. « Même si je risque de ne pas être le mieux placé pour ça - c'est moi qui suis tombé à vélo après tout. »  « Volontiers ! Je veux dire, pour que vous me raccompagniez … Ca m’évitera de gaspiller un ticket de bus et je pourrais me dégourdir les jambes. » La chaise qu’elle repousse pour se lever alors qu’elle le laisse ranger ses copies, l’air malicieux quand son regard se pose sur le chiffre annoté et le smiley ornant la copie. Les dollars qu’elle sort d’un air confiant ; sors donc cette phrase qui te brûle les lèvres Lolita !  « Je me permets de payer, nous ne sommes plus dans ce vieux temps où les hommes invitent les femmes. Et puis… ça vous laisse l’occasion de vous rattraper un de ses quatre ! » C’est son petit sac à dos qu’elle enfile et les pieds qui se délaient dans un petit sautillement presque gamin, la joie dans ses jambes quand elle file en caisse, le laissant finir de ranger. La monnaie qu’elle tend alors que sa tête se tourne pour l’observer faire de loin. Les joues qui souffrent d’avoir trop ris et souris, le visage adouci alors qu’elle l’attend à la sortie. « J’espère que votre vélo n’est pas trop amoché, si jamais, n’allez pas payer ses arnaqueurs de réparateur, j’peux vous le reconstruire gratuitement. » C’est les jambes qui frissonnent quand elle passe la porte, celles qu’elle secoue doucement sans vraiment contrôler ses gestes ; un animal sauvage sorti de sa cage qui brûle sans même le toucher. Le blouson marin jaune qu’il revêt et dont ses doigts viennent toucher le tissu – encore un contact ? Lolita, ne soit pas trop gourmande ! – alors que sa petite voix chantonne sous les lumières qui s’allument. « Votre blouson me rappelle celui de mon père, à croire que vous lui avez piqué ! » Pauvre Lola, la subtilité ça ne te connait pas. Et elle joue avec le feu, joue, et brûle…
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