landslide (léon)

Parfois, mon corps s'électrise. Je me perds et puis j'expire. Depuis ma plus tendre enfance, je lutte avec la colère, comme une goutte d'eau s'écoulant dans une coupe jusqu'à ce que celle-ci se renverse. Avec le temps, le récipient augmentait sa contenance, alors que les débordements n'en étaient que plus conséquents. Je pourrais vous conter la fois où j'ai laissé une emprunte dans le mur, où le mur a laissé une emprunte sur ma peau. Mais ça n'intéresse personne. Les voitures défilent, les enfants traversent la route et j'expire. Je me sens incompétent face à toute cette vie, non dépressif, mais légèrement amer. Avez-vous déjà eu l'impression de passer à côté d'un tout ? Comme si vous tendiez la main pour saisir de l'air, mais qu'aucune matière ne semblait trouver accroche. J'aime l'idée de savoir que je ne suis pas totalement perdu, et que le mon n'est simplement qu'un bateau à la dérive. On l'appelle la planète terre. Ça m'amuse, moi, de voir les polaroids de ces anciens visages, des visages du passé qui ne semblent surgir que lorsque l'on y prête plus réellement attention. Eux aussi, ils ont laissé une emprunte, là, quelque part au fond de mon espace crânien. Les prof' ne m'ont jamais trouvé particulièrement intelligent, trop souvent la tête en l'air. Mon bled à moi, c'est l'univers.

Coucou Papa,

Aujourd'hui tout était plus simple. Les heures se sont écoulées comme jamais. Tu savais que lorsque l'on ne prête plus attention à rien, le temps semble plus court ? J'ai remarqué ça durant le cours de Mr. Owen.
Je me demande ce que tu fais actuellement. Jenny m'a dit qu'elle t'a eu au téléphone hier, pourquoi est-ce que tu ne m'appelles pas moi ?
Maman n'est pas rentrée hier soir, je crois qu'elle a travaillé tard. Ses talons à l'entrée ne sont apparus que vers seize heures cette après midi... Peux-tu passer nous faire un coucou ?
Aussi, je me suis demandé, est-ce que toi aussi tu aimes bien regarder les gens dans l'avion ? La plupart sont mal à l'aise je crois, d'autres sourient. Chacun a ses propres raisons de s'envoler, tu crois que certains ont les mêmes que toi ?
Je sais, c'est stupide, tu me le dirais toi-même.
J'ai essayé de prendre des responsabilités aujourd'hui, mais c'est compliqué. Je ne pense pas être l'homme que tu voudrais que je sois, désolé.

Même si tu ne liras jamais cette lettre, je t'aime papa.
- Léon

Les mèches au vent et l'air frais rougissant peu à peu mon nez, je pouvais sentir l'adrénaline glisser le long de mon corps alors que le tout se réchauffait petit à petit. Je traçais comme un super héros, là, avec ma bicyclette verte et ma veste en jean au col à fourrure. Il était neuf heures dix, et comme à mon habitude, j'étais en retard pour le premier cours de la journée. C'était toujours la même rengaine, j'étais le premier levé à la maison, et le dernier à me mettre en route. Je me perdais dans tout ce que j'avais à organiser pour la journée. Je me perdais dans ma chambre et parmi toutes les affaires qui pouvaient composer ou non la tenue du jour. Je me perdais devant le miroir, devant la porte d'entrée et terminais mon parcours matinal à cent à l'heure en espérant que la fiche d'absence n'ait pas encore parcouru les rangs.